mercredi 19 novembre 2008

Sex toys: pourquoi sont-ils rose bonbons?

Un article intéressant...La morale du sex-toy
Xavier Molénat

Les godemichés, c'est ringard, vive les sex-toys ! La magie des mots a récemment accompli un petit miracle en transformant les significations attachées à ce que l’on appelait techniquement les vibromasseurs-godemichés. Le changement d’appellation résume en fait, selon le sociologue Baptiste Coulmont, un processus de normalisation et de banalisation des gadgets érotiques. Dans les années 1970, le godemiché était une innovation porteuse des nouvelles valeurs sexuelles en vogue (orgasme partagé, réhabilitation de la masturbation), mais sans pouvoir les afficher. Il reste maintenu dans des espaces marginaux – et masculins – de la sexualité, qu’il s’agisse de la pornographie ou des sex-shops. On le trouve certes dans les catalogues de vente par correspondance, mais enrobé d’un discours publicitaire vantant ses bienfaits sur… la « circulation sanguine ». Bref, le godemiché n’est plus immoral, mais il est encore honteux.
Sa requalification en sex-toy, à la fin des années 1990, semble avoir à la fois dé-stigmatisé le godemiché, et ouvert à tout un chacun de nouveaux possibles en matière de sexualité. B. Coulmont distingue plusieurs processus à l’œuvre. En donnant un côté ludique, « récréationnel » à la sexualité, les sex-toys sont par exemple vecteurs d’une forme de marchandisation car ils « poursuivent l’entourage technique des relations sexuelles en les plaçant au sein d’une économie commerciale des loisirs ».

Mais apparaît aussi une tentative de féminisation de l’objet, notamment à travers le repackaging. Les magasins qui vendent les sex-toys (le plus souvent fabriqués à grande échelle en Chine) ôtent leur emballage standard et y substitue un nouveau, « codé » différemment : « Si le rose chair est vulgaire, le rose bonbon est féminin. Si une femme nue sur le paquet est vulgaire, le dessin d’une plume est féminin. » Une démarche évidemment étrangère aux sex-shops traditionnels.

Il est à noter que le mauve fait fureur aussi.(voir edit un peu plus loin)

Cette féminisation s’accompagne, chez ses promoteurs, d’une mise à distance de la pornographie, pratique typiquement masculine, jugée sale et malsaine (une ancienne responsable de magasin déclare par exemple : « On refusait de vendre des représentations basiques du pénis. C'était hors de question ! ») Le sex-toy étant lui placé du côté du sain, du beau, de l’éthique…
Objet apparemment subversif, le sex-toy est donc, selon B. Coulmont, « fortement producteur de normes sexuelles. Des normes aussi bien soumises à une logique économique, celle du marché et de ses clientèles, qu’à des attentes liées aux rôles de genre à peine subvertis ».



EDIT 2017: il s'avère que la couleur de prédilection en France est le mauve, et ce depuis des années.
Sans doute que le rose est un peu trop associé à la petite fille et à l'enfance. L'activité sexuelle étant une activité adulte, ceci pourrait expliquer cela. Je pense que les clientes ont gagné en maturité et ont fait ce choix.

B. Coulmont, « Le vibromasseur-godemiché : objet de plaisir ». Disponible sur www.espacestemps.net/document2135.html
B. Coulmont va publier (avec Irène Roca-Ortiz) Sex-shops. Une histoire française chez Dilecta en avril 2007.


Source: scienceshumaine.com

Aucun commentaire: